Au Québec, Data-Coop Culture propose une alternative coopérative aux géants du Web pour la gestion des données culturelles.

Dans un contexte où la donnée joue un rôle croissant dans la transformation des pratiques comme des organisations ; comprendre leur potentiel pour les institutions et les politiques culturelles est essentiel. Comment mutualiser les données d’audience, comportementales ou de programmation pour initier de nouvelles dynamiques collaboratives, optimiser les ressources, et améliorer notre adresse aux publics ?

Dans le cadre de son activité d’observatoire, le TMNlab a identifié plusieurs projets européens qui apportent du grain à moudre à notre réflexion. Direction Montréal, au Québec, où Guillaume Nicoloso et Arnaud Nobile nous ont présenté leur projet.

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Un modèle coopératif en structuration

Data-Coop Culture est une initiative portée par la coopérative de médias culturels Culture Cible (à but non-lucratif) en collaboration avec l’entreprise de conseil technologique de développement d’applications Technologies Oziom.

D’abord soutenu par la Ville de Montréal et par le Gouvernement du Canada, puis désormais par le Ministère de la Culture et des Communications du Québec, ce projet a vocation à offrir aux organisations culturelles une alternative locale aux plateformes des géants du web. Il vise à mutualiser et à exploiter de manière éthique et transparente les données des visiteurs des sites culturels afin d’optimiser leur stratégie marketing.

Le projet a été officiellement lancé en octobre 2022, après une phase pilote de six mois emmenant une vingtaine d’organisations à l’échelle du Québec. Une première étape qui a permis d’affiner les outils technologiques et de valider les bénéfices pour les organisations participantes.

Data-Coop Culture revendique un modèle coopératif. La gouvernance, en cours de structuration, se veut participative (un membre = une voix dans les décisions stratégiques). À ce stade, elle implique la consultation et la participation des acteurs culturels dans un cadre encore informel lors d’ateliers, ou d’échanges en webinaire. 
L’objectif ? Formaliser la gouvernance en 2025 autour des différents types et tailles d’organisation invitées à participer à la définition des orientations stratégiques du projet. En 2026, l’organisation se dotera d’une structure juridique distincte – à définir entre coopérative, consortium, ou association.



Une alternative aux GAFA

Arnaud Nobile,
directeur du projet Data-Coop Culture

Fournir aux organisations culturelles une alternative aux grandes plateformes technologiques pour la gestion et l’exploitation de leurs données ? Pour Guillaume Nicoloso et Arnaud Nobile, cela signifie : 

  • Permettre aux organisations culturelles d’acquérir la propriété et la souveraineté de leurs données de navigation sur Internet.

  • La mise en place d’une infrastructure et des ressources mutualisées pour bâtir un socle de collaboration dédié au secteur culturel.

  • Réduire les dépenses marketing réalisées auprès des GAFA et réallouer ces budgets vers les médias locaux.

  • Offrir une expertise en innovation technologique, transfert de compétence et bonnes pratiques en gestion des données.


Arnaud Nobile, initiateur du projet et cofondateur de Culture Cible, souligne le rôle de facilitateur de la plateforme libre-service Data-Coop Culture qui fait le lien entre d’une part la collecte et le traitement des données (opéré par la solution Eulerian) et d’autre part l’exploitation des données via un tableau de bord facilitant l’analyse et simplifiant le ciblage marketing sur les réseaux publicitaires (opéré par la solution Equativ).

Reprendre le contrôle sur ses données, sans intermédiaire

Le projet Data-Coop Culture repose donc sur un principe de mutualisation des données à usage marketing. Il doit permettre aux organisations culturelles d’accéder à une technologie simple d’utilisation pour reprendre le contrôle sur leurs propres données, sans intermédiaire.

Les organisations membres conservent la propriété de leurs données de navigation et optimisent leur capacité à les utiliser. De plus, chacune bénéficie du principe coopératif avec la mise en commun de données de navigation anonymes pour créer des audiences partagées hautement qualifiées, accessibles et utilisables par toutes.



Des tableaux de bords et des métriques web simplifiées permettent l’analyse et le contrôle de l’activité numérique. Chaque organisation bénéficie également d’un outil de mesure de la performance de tous ses canaux de marketing numériques.

Avec une segmentation basée sur des données enrichies, chaque membre de la Data-Coop Culture pourra mieux connaître ses publics et rapidement les cibler via des campagnes de marketing numérique réalisées sans intermédiaire. Notre intention est de proposer au milieu culturel une alternative locale très sérieuse aux Google et Facebook de ce monde, plus économique, plus simple et basée sur la coopération.

Arnaud Nobile, initiateur du projet et cofondateur de Culture Cible

plateforme libre-service DC-Culture

Ainsi, l’offre de services de Data-Coop est étendue à plusieurs prestations :

  • Mise en place de collecte de données sur-mesure (navigation / comportements / intérêts / conversions / identifiants / nomenclature / contenu / etc.)
  • Enrichissement des données CRM : consolidation des données et synchronisation avec les systèmes de gestion / analytiques
  • Gestion de l’attribution sur mesure / analyse d’impact / modélisation du mix marketing (MMM : démarche de modélisation pour mesurer le ratio investissements/performances).
  • Mise en place d’un moteur de recommandations automatisées (AI) basé sur les données historiques pour l’aide à la décision (programmation / allocation budgétaire)

  • Privatisation des données et mutualisation partielle (Data Management Platform privée et personnalisée)

  • Personnalisation de la plateforme libre-service (visualisation, fonctionnalités)


D’un investissement public à un principe d’auto-financement 

Guillaume Nicoloso, responsable des technologies de Data-Coop Culture

Depuis son lancement, la plateforme a attiré plus de 150 organismes ou médias culturels et a collecté des données sur près de 10 millions de visiteurs. La couverture actuelle représente environ 80 % de l’offre culturelle au Québec, incluant des institutions majeures telles que le complexe de la Place des Arts de Montréal, Mediafilm ou la plateforme de recommandation culturelle La Vitrine.com. Parmi ses autres partenaires figurent la SPEC du Haut Richelieu (diffuseur pluridisciplinaire), La TOHU Cité des Arts du Cirque, le label Bravo Musique et Les Francos de Montréal.

Le projet pilote initial a été financé par la Ville de Montréal puis par le Gouvernement du Canada. La phase développement et déploiement à plus large échelle est maintenant financée par le Ministère de la Culture et des Communications du Québec.

« La Ville de Montréal et le Gouvernement du Canada ne sont plus impliqués dans le financement depuis 2023”, précise Arnaud Nobile qui défend un modèle économique reposant sur un principe d’auto-financement après une période d’exploitation de cinq ans. Les membres contribuent au projet via une redevance proportionnelle à la taille de leur organisation et au niveau d’utilisation des services.

L’équipe dédiée à Data-Coop Culture est constituée à la fois d’employés de Culture Cible / Data-Coop et d’employés d’organisation partenaires comme Oziom, Eulerian, ou des prestataires en data-marketing :

  • 2,5 experts en technologie de l’information et gestion des données (Architecture de l’infrastructure, exploitation et développement informatique

  • 2 experts en marketing et média numériques (Mise en place des bonnes pratiques et transfert de compétence)

  • 0,5 Coordonnateur (Communication / Administration / Service aux membres
)

Celle-ci devrait atteindre 10 personnes quand tous les services personnalisés seront déployés et que le volume des campagnes aura atteint son rythme de croisière, estime Guillaume Nicoloso, responsable des technologies.

Quelle infrastructure technique ?

Data-Coop Culture repose sur l’intégration du « Pixel Culture » via Google Tag Manager sur les sites web de ses membres. Ce pixel collecte des données de navigation anonymisées, respectant ainsi les normes de confidentialité et de protection des données (RGPD, Loi 25, CCPA, CPRA).

Les données proviennent de la navigation des visiteurs sur les sites web / billetteries (données de navigation et transactionnelles anonymes).

Aucune action de la part des organisations culturelles n’est nécessaire. Une fois que l’inscription et la configuration sont complétés ; la collecte, l’analyse et l’acheminement des données se fait en temps réel. Plus de 200 connecteurs API sont déployés. La collecte des données est configurée sur mesure via des balises Google Tag Manager par l’équipe de Data-Coop Culture, en fonction de la typologie spécifique de chaque site où est installé le « Pixel Culture ». Les connecteurs permettent à la fois d’importer des données de diverses sources (enrichissement) mais aussi d’en exporter vers d’autres plateformes (pour activation ou analyse).

Les informations recueillies sont centralisées et analysées afin de développer des outils avancés de ciblage marketing. Ce système permet d’identifier les comportements des internautes, d’enrichir les données par mutualisation et de proposer aux organisations culturelles des campagnes publicitaires plus efficaces.

Concrètement, illustre Arnaud Nobile, à partir des données mutualisées, les équipes de Data-Coop Culture créent des segments d’audiences (exemple : amateurs de danse contemporaine). « C’est un élément clé que nous apportons et que nous permet la technologie Eulerian : les audiences sont synchronisées vers un outil publicitaire programmatique (Equativ). C’est cet outil qui rend possible le ciblage des audiences mutualisées vers des régies publicitaires indépendantes et des médias locaux. »

Si les données sont partagées avec Data-Coop Culture, en revanche l’organisme est lié par un engagement contractuel envers les membres sur la gestion et la gouvernance de ces données. Data-Coop Culture ne devient pas propriétaire des données. Chaque organisme demeure l’unique propriétaire de ses données brutes – qui peuvent lui être restituées en tout temps et être supprimées des audiences mutualisées s’il le souhaite.

L’infrastructure respecte les normes de certification en vigueur, notamment :

  • Normes qualité ISO/IEC (25010, 27001) et référentiels métier/développement
  • Certification CNIL pour la protection des données personnelles
  • ISO 9001, 14001, 27001 et 45001 pour l’hébergement des données
Principe de fonctionnement à partir de la configuration du Pixel Culture

Quelles perspectives pour le secteur ?

En deux ans, Data-Coop Culture a connu une forte croissance et se veut un acteur clé de la donnée et du marketing culturel au Québec. Avec plus de 8 millions de profils actifs recensés, soit 90 % de la population québécoise, la coopérative constitue en effet une solution prometteuse pour la transformation numérique du secteur.

Certaines institutions publiques ont identifié un potentiel supplémentaire dans la plateforme. Elle pourrait offrir un panorama en temps réel de l’activité du secteur culturel, répondant ainsi aux besoins gouvernementaux en matière de visibilité et de capacité d’analyse stratégique.

À l’avenir, Data-Coop Culture prévoit d’étendre son champ d’action aux secteurs du tourisme, du loisir et des médias ; et de renforcer sa présence dans le paysage numérique québécois.

Présentation institutionelle – Data-Coop Culture

Québec-based Data-Coop Culture offers a cooperative alternative to the Web giants for managing cultural data.

In a context where data is playing a growing role in the transformation of practices and organisations alike, understanding its potential for cultural institutions and policies is essential. How can we pool audience, behavioural and programming data to initiate new collaborative dynamics, optimise resources and improve the way we address our audiences?

As part of its observatory activity, TMNlab has identified several European projects that provide food for thought. We headed to Montreal, Quebec, where Guillaume Nicoloso and Arnaud Nobile presented their project to us.

A cooperative model under development

Data-Coop Culture is an initiative spearheaded by the non-profit cultural media cooperative Culture Cible, in collaboration with the application development technology consultancy Technologies Oziom.

Initially supported by the City of Montreal and the Government of Canada, and now by the Ministère de la Culture et des Communications du Québec, the project aims to offer cultural organisations a local alternative to the platforms of the web giants. Its aim is to pool and exploit visitor data from cultural sites in an ethical and transparent way in order to optimise their marketing strategy.

The project was officially launched in October 2022, following a six-month pilot phase involving around twenty organisations across Quebec. This initial phase enabled the technological tools to be fine-tuned and the benefits for the participating organisations to be validated.

Data-Coop Culture is based on a cooperative model. Its governance, which is currently being structured, is intended to be participatory (one member = one vote in strategic decisions). At this stage, it involves the consultation and participation of cultural players on an informal basis, through workshops and webinars.
The aim? To formalise governance in 2025 around the different types and sizes of organisation invited to participate in defining the project’s strategic directions. In 2026, the organisation will adopt a distinct legal structure – to be defined as a cooperative, consortium or association.

An alternative to GAFA

Providing cultural organisations with an alternative to the major technology platforms for managing and exploiting their data? For Guillaume Nicoloso and Arnaud Nobile, this means :

  • Enabling cultural organisations to acquire ownership and sovereignty over their web browsing data.

  • Setting up a shared infrastructure and resources to build a collaborative foundation dedicated to the cultural sector.

  • Reducing marketing expenditure on the GAFAs and reallocating these budgets to local media.

  • Offer expertise in technological innovation, skills transfer and best practice in data management.


Arnaud Nobile, initiator of the project and co-founder of Culture Cible, emphasises the facilitating role of the Data-Coop Culture self-service platform, which acts as a link between data collection and processing (operated by the Eulerian solution) and data exploitation via a dashboard facilitating analysis and simplifying marketing targeting on advertising networks (operated by the Equativ solution).

Regaining control of data, without intermediaries

The Data-Coop Culture project is based on the principle of pooling data for marketing use. Its aim is to give cultural organisations access to an easy-to-use technology that will enable them to regain control over their own data, without an intermediary.

Member organisations retain ownership of their browsing data and optimise their ability to use it. Everyone benefits from the cooperative principle, with anonymous browsing data pooled together to create shared audiences that are highly qualified, accessible and usable by all.



Dashboards and simplified web metrics enable digital activity to be analysed and controlled. Each organisation also benefits from a tool for measuring the performance of all its digital marketing channels.

With segmentation based on enriched data, each member of the Culture Data-Coop will be able to get to know its audiences better and target them quickly via digital marketing campaigns carried out without intermediaries. Our intention is to offer the cultural community a very serious local alternative to the Google and Facebook of this world, one that is more economical, simpler and based on cooperation.

Arnaud Nobile, initiator of the project and co-founder of Culture Cible

As a result, Data-Coop’s service offering has been extended to include a number of services:

  • Setting up bespoke data collection (browsing / behaviour / interests / conversions / identifiers / nomenclature / content / etc.)
  • CRM data enrichment: data consolidation and synchronisation with management/analytical systems
  • Customised attribution management / impact analysis / marketing mix modelling (MMM: modelling approach to measure the investment/performance ratio).
  • Implementation of an automated recommendation engine (AI) based on historical data for decision support (programming / budget allocation).

  • Data privatisation and partial pooling (private, customised Data Management Platform)

  • Customisation of the self-service platform (visualisation, functionalities)

From public investment to self-financing principle

Since its launch, the platform has attracted more than 150 cultural organisations and media and collected data on almost 10 million visitors. Current coverage represents around 80% of the cultural offering in Quebec, including major institutions such as the Place des Arts complex in Montreal, Mediafilm and the cultural recommendation platform La Vitrine.com. Other partners include SPEC du Haut Richelieu (a multidisciplinary presenter), La TOHU Cité des Arts du Cirque, the Bravo Musique label and Les Francos de Montréal.

The initial pilot project was funded by the City of Montreal and then by the Government of Canada. The development and wider roll-out phase is now being funded by Quebec’s Ministère de la Culture et des Communications.

‘The City of Montreal and the Government of Canada will no longer be involved in the funding from 2023 onwards,’ explains Arnaud Nobile, who advocates an economic model based on the principle of self-financing after a five-year operating period. Members contribute to the project via a fee proportional to the size of their organisation and the level of use of the services.

The Data-Coop Culture team is made up of both Culture Cible / Data-Coop employees and employees of partner organisations such as Oziom, Eulerian and data-marketing service providers:

  • 2.5 experts in information technology and data management (infrastructure architecture, IT operations and development)

  • 2 experts in digital marketing and media (Implementation of best practices and skills transfer)

  • 0.5 Coordinator (Communication / Administration / Member Services)

This team should grow to 10 once all the personalised services have been rolled out and the volume of campaigns has reached cruising speed,’ says Guillaume Nicoloso, Head of Technology.

What technical infrastructure?

Data-Coop Culture relies on the integration of the ‘Culture Pixel’ via Google Tag Manager on its members’ websites. This pixel collects anonymised browsing data, thus complying with confidentiality and data protection standards (RGPD, Law 25, CCPA, CPRA).

The data comes from visitors’ browsing of the websites/ticket offices (anonymous browsing and transactional data).

No action is required on the part of the cultural organisations. Once registration and configuration have been completed, the data is collected, analysed and routed in real time. Over 200 API connectors are deployed. Data collection is configured by the Data-Coop Culture team using Google Tag Manager tags, according to the specific characteristics of each site where the ‘Pixel Culture’ is installed. The connectors allow data to be imported from various sources (enrichment) and exported to other platforms (for activation or analysis).

The information gathered is centralised and analysed to develop advanced marketing targeting tools. This system makes it possible to identify the behaviour of Internet users, enrich data by pooling it and offer cultural organisations more effective advertising campaigns.

In practical terms, explains Arnaud Nobile, ’Data-Coop Culture teams use pooled data to create audience segments (e.g. lovers of contemporary dance). ‘This is a key element that we bring to the table and that Eulerian technology enables us to do: the audiences are synchronised with a programmatic advertising tool (Equativ). It is this tool that makes it possible to target audiences pooled to independent advertising agencies and local media.’

While the data is shared with Data-Coop Culture, the organisation is bound by a contractual commitment to its members regarding the management and governance of this data. Data-Coop Culture does not become the owner of the data. Each organisation remains the sole owner of its raw data – which can be returned to it at any time and removed from the shared audiences if it so wishes.

The infrastructure complies with the certification standards in force, in particular :

  • ISO/IEC (25010, 27001) quality standards and business/development guidelines
  • CNIL certification for the protection of personal data
  • ISO 9001, 14001, 27001 and 45001 for data hosting

What are the prospects for the sector?

Over the past two years, Data-Coop Culture has grown rapidly and is now a key player in cultural data and marketing in Quebec. With more than 8 million active profiles, or 90% of Quebec’s population, the cooperative represents a promising solution for the digital transformation of the sector.

Some public institutions have identified additional potential in the platform. It could offer a real-time overview of activity in the cultural sector, meeting government needs for visibility and strategic analysis capacity.

In the future, Data-Coop Culture plans to extend its scope to the tourism, leisure and media sectors, and to strengthen its presence in Quebec’s digital landscape.

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