Le secteur du spectacle vivant fait face à des défis significatifs en termes de recrutement et de compétences. Les mutations économiques, technologiques et écologiques requièrent une adaptation continue des entreprises et structures, tant au niveau des compétences que des pratiques de gestion. Des efforts accrus sont nécessaires pour former, attirer et retenir des talents dans un secteur en pleine transformation.
Dans ce contexte, le TMNlab et le Réseau HACNUM ont publié fin 2023 un diagnostic Compétences & Métiers d’avenir : Accompagner la création à l’ère numérique. Quelques mois plus tard, le CPNEF-SV a commandité auprès de l’AFDAS une enquête annuelle qui offre une vision globale des dynamiques actuelles du secteur et des stratégies à adopter pour répondre aux besoins futurs. Cette publication parue en juin 2024 vient confirmer des observations à l’œuvre dans le secteur en produisant des données structurantes pour le secteur du spectacle vivant.
Sans surprise, la direction technique mais encore plus les profils de régie spécialisée (son, lumière, vidéo, image) sont des métiers en tension – à savoir dont les recrutements sont difficiles ou très difficiles. Autre recrutement clé en tension ? Les directions d’établissement, les métiers de la production et des tournées, ceux de la communication, des relations avec les publics, de la commercialisation, des ventes et du marketing. Enfin, si les postes d’administration générale ne sont pas considérés comme en tension, ceux de comptabilité et gestion, si.
Néanmoins nous regrettons que si la transition numérique apparaît – enfin – comme un sujet dans les travaux du CPNEF-SV, ce ne soit que dans un traitement technique. En effet, selon ce rapport, « les évolutions dans les technologies sont principalement observées pour les métiers de techniciens du spectacle (images et sons en particulier, …) et ne représentent pas une rupture brutale mais relèvent davantage de « l’évolution naturelle » des métiers (qui nécessitent dans tous les cas une actualisation des compétences). Les impacts sont diffus pour les organisations mais peuvent se traduire par de nouveaux besoins de compétences sur les métiers supports (cybersécurité, protection des droits d’auteurs, nouvelles modalités de promotion / communication, nouveaux usages de la donnée, …). » Le numérique n’est perçu ni comme un fait social, ni comme un enjeu politique, encore moins comme un contexte de transformation profonde des pratiques culturelles et professionnelles – et est traité sans référence bibliographique à nos travaux pourtant également mené avec l’AFDAS.
Notons tout de même que si on lit des informations contradictoires à nos travaux sur le niveau de compétences numériques des structures, le rapport cite également les enjeux des données ainsi que de la transformation SIRH – bon point ! Et en rappelant que « pour les entreprises et les structures, le fait de se saisir ou non des opportunités liées aux outils numériques est le plus souvent tributaire de l’appétence des équipes en place vis-à-vis du numérique« , pointe un problème majeur : l’absence, le plus souvent, de vision stratégique de la question numérique par les directions d’établissements.
Le document complet et quelques points clés
L’étude s’est déroulée en deux étapes :
- Enquête Interbranche : Diffusion d’un questionnaire en ligne aux entreprises adhérentes pour collecter des données sur leurs projets de recrutement pour 2024, incluant les perspectives d’activité et les besoins en compétences.
- Entretiens et Groupes de Travail : Réalisation d’entretiens complémentaires avec des professionnels et experts pour approfondir les résultats de l’enquête.
Tensions de Recrutement
Le rapport souligne des tensions importantes dans le recrutement, particulièrement pour les métiers techniques et administratifs. Environ 48 % des projets de recrutement anticipés pour 2024 sont considérés comme difficiles, avec des difficultés accrues pour les techniciens du spectacle vivant.
Les principales raisons invoquées incluent :
- Un nombre insuffisant de candidatures.
- La concurrence avec d’autres structures.
- Un manque de correspondance entre les profils des candidats et les postes offerts.
Facteurs de Mutation du Secteur
Les mutations affectant le secteur incluent :
- Évolution des Modèles Économiques : Diminution des subventions publiques et nouvelles attentes des financeurs en termes de reporting et impact social.
- Technologies et Transition Numérique : Introduction de nouvelles technologies, notamment pour les métiers techniques, avec un accent sur la cybersécurité et la protection des données.
- Transition Écologique : Adaptation des pratiques pour réduire l’empreinte carbone, avec l’émergence de nouveaux postes comme les référents RSE.
Leviers et Stratégies
Les entreprises du spectacle vivant mobilisent plusieurs leviers pour faire face aux défis actuels :
- Renforcement de la Notoriété des Métiers : Sensibilisation et valorisation des métiers techniques auprès du grand public.
- Acquisition de Nouvelles Compétences : Formation continue, notamment sur les aspects techniques et de sécurité.
- Adaptation des Pratiques de Recrutement : Diversification des canaux de recrutement, recours aux réseaux professionnels et à des partenariats avec des écoles spécialisées.
Enjeux Sociaux
Des préoccupations liées à l’égalité femmes-hommes, à la gestion des âges, et à l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle sont également mises en avant comme des enjeux clés pour attirer et retenir les talents.
Zoom sur le contexte de transition numérique
Impact sur les Structures et Organisations
Le rapport souligne que la transition numérique affecte les structures du spectacle vivant à plusieurs niveaux, en particulier :
- Automatisation des Tâches Administratives : Certaines entreprises tentent d’utiliser des outils numériques pour automatiser les tâches administratives, ce qui permettrait de libérer du temps pour d’autres activités.
- Communication et Utilisation des Données : La numérisation est particulièrement sensible dans le domaine de la communication, où les entreprises utilisent de plus en plus les médias sociaux pour promouvoir leurs activités. Les plus grandes structures vont au-delà de la simple utilisation des réseaux sociaux et cherchent à personnaliser les contenus grâce à une exploitation systématique des données disponibles.
Technologies et Métiers Techniques
Le rapport mentionne que les évolutions technologiques, bien que notables, sont perçues comme une « évolution naturelle » plutôt qu’une rupture brutale pour les métiers techniques, tels que ceux de la régie ou du son et de la lumière. Il est attendu que les techniciens s’adaptent à ces nouvelles technologies, même si cela peut parfois complexifier les processus de recrutement.
Cybersécurité et Protection des Données
Pour les grandes structures, la transition numérique s’accompagne de réflexions autour de la cybersécurité et du traitement des données personnelles. Cela implique la nécessité de développer des compétences spécifiques en cybersécurité pour protéger les données contre les attaques informatiques.
Intelligence Artificielle (IA)
Le rapport évoque aussi les inquiétudes liées à l’intelligence artificielle générative, notamment le potentiel d’automatisation de certains métiers artistiques et techniques, ainsi que les questions de droits d’auteur et de protection des contenus créés. Bien que ces effets soient encore hypothétiques, ils représentent une préoccupation croissante pour le secteur.