L’IA générative, entre culture du goodies et levier de médiation : Molière à la Comédie-Française et autres magnets

Depuis quelques mois, fleurissent dans les boutiques de musées et, depuis peu, de théâtres des magnets à l’effigie de personnalités historiques… permettant aux publics de converser avec elles. Valentin Schmite, directeur d’Ask Mona, qui rencontrait récemment la Communauté TMNlab pour parler IA générative, a répondu à quelques questions.

Des chiffres. Depuis son lancement, le magnet conçu à Rouen est devenu le 2e article le plus vendu des boutiques des musées. Accessible, ludique, développé avec les équipes donc répondant au projet de l’établissement, ce support permet d’augmenter la visite et d’étendre l’expérience culturelle à la sphère privée.

En effet, pour chaque magnet vendu ce sont environ 60 questions posées. Avec une surabondance les vendredis et samedis soirs, « effet des soirées entre amis et de la curiosité générée par le dispositif ? » suppose Valentin Schmite.

L’intérêt évident déclenché par ce dispositif ne va pas sans questionnement sur son risque d’objet gadget (durabilité de l’usage) et ses effets en matière d’impact environnemental (fabrication d’objets en série, poids environnemental de l’IA).

Comment fonctionne cette solution ?

Pour découvrir l’objet et son fonctionnement, vous pouvez vous rendre dans la boutique de la Comédie-Française… ou regarder cette vidéo promotionnelle réalisée par Ask Mona avec l’un de ses clients, Rouen Sites & Monuments.

Avec ces badges-personnages, vous pouvez expérimenter une conversation avec Molière à la Comédie-Française, Jeanne d’Arc à l’Historial de Rouen, Sarah Bernhardt au Grand Palais Immersif, Van Gogh au Musée d’Auvers-sur-Oise… Au total, 40 personnages historiques sont disponibles dans le catalogue Ask Mona pour déployer ces propositions de médiation.

L’impact environnemental ?

Les magnets Ask Mona sont produits en Italie (donc en Europe). Le plastique utilisé pour la fabrication est du plastique recyclé et par leur conception, ces magnets utilisent en moyenne 40% de surface magnétique en moins que les magnets traditionnels. Si l’objet en soi doit être interrogé, sa conception a fait l’objet d’une réflexion aux regards des enjeux d’écoconception.

En ce qui concerne l’infrastructure serveur derrière la solution, Ask Mona travaille à une plus grande frugalité de son modèle. « Nos clients nous interrogent au quotidien sur ces sujets et c’est ce qui nous pousse à trouver des solutions toujours plus responsables » nous indique Valentin Schmite.

Par exemple, alors qu’aujourd’hui Ask Mona utilise les solutions OpenAI pour ses magnets, la société étudie le passage sur le modèle Mistral, une solution française moins gourmande en énergie. Les arbitrages se posent notamment sur le coût des différentes solutions disponibles sur le marché afin de garder une proposition accessible financièrement pour les institutions et leur public. L’équipe souligne que c’est un enjeu environnemental mais également de souveraineté puisqu’Open AI est une solution américaine.

Comment arbitrer ?

Les données environnementales disponibles aujourd’hui sur l’IA nous invitent à une grande vigilance sur le déploiement massif de son usage. Microsoft annonce par exemple, du fait du développement des solutions d’IA génératives, une augmentation de sa consommation en eau de 34% entre 2021 et 2022. Ces chiffres macros ont besoin d’être affinés pour devenir des leviers d’aide à la décision.

Pour développer une vision plus globale de l’IA générative dans notre secteur, il est donc nécessaire de documenter ces impacts mais aussi d’identifier les opportunités en matière d’applications métiers, de création ou de médiation. Les solutions IA transforment nos modes de faire. Elles sont déjà très présentes et doivent être comprises par les professionnels de la culture pour en développer un usage situé. C’est pourquoi le TMNlab ouvre un cycle de rendez-vous à ce sujet.

Malgré le manque d’éléments et de recul du secteur des arts vivants, il apparaît néanmoins évident que le déploiement de ce type de solution, comme tout projet numérique d’ailleurs, doit être :

  • pensé à l’échelle de la stratégie numérique de l’établissement
  • arbitré dans un plan d’action RSE ou à l’aide d’un budget carbone global annuel, comme le sont les questions de mobilité des artistes et des publics dans certaines structures par exemple

Et peut être s’interroger sur la dé-gadgetisation de l’objet ?

Et l’usage alors ?

« Vis-à-vis de la durabilité de nos solutions, on considère que les magnets sont un point d’accès mais il en existe bien d’autres. Nous développons notamment des dispositifs de médiation qui ne nécessitent pas nécessairement de passer par des objets physiques et nous pouvons évidemment ré-exploiter un dispositif produit pour un magnet sous une autre forme si besoin.« 

Ask Mona vient donc de réaliser un magnet Molière pour la Comédie-Française… et de déployer ses solutions conversationnelles, en support de visite, sans objet, application ou cartel, au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). Cette proposition permet de personnaliser davantage la médiation pour les publics, en autonomie, en complément de propositions plus traditionnelle et de la présence d’équipes de médiation…

Il sera intéressant d’étudier d’ici quelques mois les usages de ces outils par les publics mais aussi par les équipes des institutions, sur le court et moyen termes – et ce qu’ils provoquent dans la rencontre entre les publics, les œuvres et les institutions.

A suivre avec intérêt, donc.