Lever de rideau sur l’IA : quand l’intelligence artificielle réinvente et questionne le secteur culturel 

Grâce à ses capacités d’apprentissage et d’adaptation, l’intelligence artificielle permet de repousser les limites de l’innovation, en offrant de nouveaux outils et terrains d’expérimentation pour les artistes et les créateurs. En effet, de nombreux artistes se sont déjà emparés de cette technologie pour écrire et jouer de nouvelles pièces de théâtre ou encore pour intégrer des expériences interactives dans des festivals…

Parallèlement à ces avancées créatives, l’intelligence artificielle soulève des questions philosophiques déjà révélées par ces expérimentations. Parmi ces dernières, nous retenons la question de l’éthique des machines, de la propriété intellectuelle et des droits d’auteur dans un contexte où les œuvres sont créées en partie ou en totalité par ces intelligences artificielles. En somme, l’injection de l’IA dans le spectacle vivant ouvre un vaste champ d’exploration, où les possibilités créatives coexistent avec des défis philosophiques.

L’intelligence artificielle comme moteur de création et d’innovation dans le spectacle vivant

D’Simon : L’intelligence artificielle au service de l’écriture théâtrale ? 

    L’intelligence artificielle fait désormais partie intégrante du processus de création artistique et notamment dans le domaine de l’écriture théâtrale. Un exemple marquant est celui du double numérique du plasticien Simon Senn, nommé D’Simon. Cet article de France Inter à non seulement amener D’Simon à écrire une pièce de théâtre, mais a également joué un rôle dans celle-ci, en interagissant les acteurs en scène. Le travail de D’Simon met en lumière les potentialités de l’IA dans le domaine de la création, tout en soulevant des questions éthiques notamment liées à la question de la récupération des données, ici indispensable à l’alimentation de l’algorithme de l’intelligence artificielle, mais touchant également au phénomène psychologique d’addiction soulevé dans l’article par le plasticien. Enfin, la question posée relève de la place de la conscience numérique et de la légalité des discours parfois haineux produits par ces nouvelles technologies.

    Faut-il encadrer ces productions de la même façon que sont encadrés les créateurs et artistes ? En effet, D’Simon soulève des questions fondamentales sur la nature de la conscience et l’autonomie des machines. Peut-on considérer qu’une intelligence artificielle possède une conscience, au même titre qu’un être humain, lorsqu’elle est capable de créer et d’interagir avec son environnement ? Quelle responsabilité avons-nous en tant que créateurs et utilisateurs de l’IA envers ces entités potentiellement conscientes ? Ces questions éthiques sont d’autant plus applicables dans le contexte du spectacle vivant, où l’IA est appelée à interagir avec des acteurs et un public, et à jouer un rôle dans la création d’émotions et d’expériences partagées.

    Ces questions sont d’autant plus importantes que les réactions du public rapportées par l’article de Libération face à cette expérience unique, témoignent de l’impact que l’IA peut avoir sur notre perception de la réalité et de la nature humaine.

    La renaissance du théâtre antique d’Orange grâce à l’intelligence artificielle ? 

    L’intelligence artificielle a également été utilisée pour redonner vie à des espaces culturels historiques, comme le théâtre antique d’Orange au sein du projet Odyssée sonore. Cette technologie de pointe a su considérer le théâtre antique d’Orange comme un écrin sonore, capable d’offrir une expérience immersive et éducative permettant aux spectateurs de voyager dans le temps et de mieux comprendre le contexte historique de ces sites antiques.

    Cet exemple montre comment l’IA peut être mise à profit afin de proposer des expériences et ambiances culturelles inédites, transcendant les frontières entre passé et présent et offrant ainsi de nouvelles perspectives sur l’appréhension de l’histoire et du patrimoine culturel. 

    Lorsque les compétences de l’intelligence artificielle s’entrechoquent avec l’ordre sociétal. 

    Comment les sciences de l’information et de la communication réceptionnent-elles l’injection de l’intelligence artificielle dans nos sociétés ? 

    L’intelligence artificielle, notamment par le machine learning et le deep learning, a transformé les interactions cognitives et comportementales entre les utilisateurs et les systèmes numériques. Les objectifs du colloque intitulé [AAC] Les sciences de l’information et de la communication à l’ère de l’intelligence artificielle – état des lieux et perspectives – Org&Co a été d’explorer les impacts, les enjeux et les perspectives de l’IA dans différents domaines, tels que le journalisme, la communication et les réseaux sociaux numériques.

    Par exemple, l’un des axes d’étude retenus concerne l’IA et les réseaux sociaux numériques. Les plates-formes participatives ont en effet donné naissance à des dispositifs sociotechniques d’information et de communication, tels que les chatbots ou assistants virtuels. Des dispositifs dont les chercheurs en SIC tendent à étudier  l’influence sur la communication numérique et sur les comportements des internautes. Un autre axe examine l’ implication de IA dans la communication organisationnelle. Les technologies émergentes ont incité les organisations à adopter des systèmes intelligents qui modifient directement les pratiques et l’écosystème des organisations en question et peuvent également impacter l’e-réputation et l’identité numérique de ces dernières de par le changement de ces pratiques.

    Les valeurs éthiques, les enjeux sociétaux, économiques et communicationnels sont donc des enjeux explorés par la recherche en SIC. De plus, le domaine du journalisme est également concerné car l’évolution du Big Data et des outils d’IA a transformé la processus de production d’information (collecte, édition, diffusion, vérification des faits). Les chercheurs s’intéressent donc à l’impact de l’IA sur les méthodes de production de l’information, la réception et la consommation de l’information et le profil des professionnels concernés d’autant plus que ce nouvel usage des nouvelles technologies par les professionnels s’inscrit dans un contexte où les chercheurs explorent les processus possibles vérification des faits, les nouvelles méthodes de collecte et d’analyse des données ainsi que leur impact sur la lutte contre la désinformation.

    Enfin, le colloque pose la question selon laquelle l’IA pourrait-elle réellement être la solution pour pallier aux difficultés du secteur des médias (perte de revenus publicitaires, perte de publics)? Ainsi, la communauté SIC s’engage dans la compréhension des implications de l’IA dans une diversité de secteurs de notre société tout en questionnant les enjeux éthiques, sociétaux, économiques et communicationnels liés à ces nouvelles pratiques sociologiques.

    Les défis éthiques et philosophiques liés à l’IA dans le spectacle vivant

    L’utilisation de l’IA dans la création artistique soulève néanmoins des questions en matière de propriété intellectuelle et de droits d’auteur. Dans un contexte où les œuvres sont créées en partie ou en totalité par des intelligences artificielles, qui doivent être considérées comme l’auteur légitime de ces œuvres ? Les droits d’auteur doivent-ils être partagés entre les créateurs humains et les IA, ou ces derniers doivent-ils être empêchés comme des outils au service des artistes, sans droit de revendication sur leurs créations ?

    Ces questions sont particulièrement pertinentes dans le cas de la pièce de théâtre écrite par D’Simon, où l’intelligence artificielle a joué un rôle central dans l’écriture et la mise en scène du spectacle. Les réponses à ces questions pourraient avoir des conséquences importantes sur la manière dont les artistes et les institutions culturelles pourraient intervenir sur la création et sur la régulation juridique de ces nouvelles formes d’expression.

    Dans ce contexte, il est donc crucial d’engager un dialogue entre les artistes, les chercheurs, les lieux culturels et le grand public afin de trouver un équilibre entre la protection des droits des créateurs et la reconnaissance du rôle de l’IA dans la création artistique. Ce débat pourrait également contribuer à définir des normes éthiques et des bonnes pratiques pour l’utilisation de l’IA dans le spectacle vivant, en veillant à préserver l’intégrité artistique et à encourager l’innovation tout en tenant compte des implications éthiques et juridiques.

    L’IA : un usage multisectoriel ?

    L’intelligence artificielle trouve ses applications dans de nombreux secteurs, allant de la santé à la finance, en passant par les transports et l’énergie. Ces usages de l’IA peuvent également être transposés dans le domaine culturel et du spectacle vivant, offrant ainsi de nouvelles perspectives d’amélioration des performances professionnelles mais également de réductions de coûts.

    En effet, outre les performances bien connues de Chat GPT, d’autres intelligences artificielles tout aussi performantes mais ne bénéficiant pas de la même force de réputation peuvent aider à une augmentation de la productivité dans une multiplicité de secteurs. Numerous.ai permet par exemple d’extraire de la donnée textuelle, de la catégoriser et de générer des formules permettant un transfert des résultats sur d’autres supports numériques professionnels tels que GoogleSheet ou encore Excel. Codeformer, quant à elle, montre comment l’IA peut améliorer la qualité des images anciennes, dégradées par le temps en restaurant les couleurs, les visages et les scènes. D’autre part, par l’automatisation des tâches, comme la prise de rendez-vous et la gestion de la messagerie, Hints aide les utilisateurs à gagner du temps et à ne pas se laisser déborder par une gestion de l’organisation prenant le pas sur le travail. Sage, quant à lui, est un assistant de santé personnel basé sur l’IA, qui propose des recommandations personnalisées et des conseils de mode de vie pour améliorer le bien-être de ses utilisateurs.

    Une multitude d’autres intelligences permettent une optimisation du travail humain tels que Mixo pour la création de contenus pour les sites webs sur commande et montrant comment l’IA peut contribuer à la conception graphique. Cette liste n’est pas exhaustive, mais témoigne de la manière dont l’IA est devenue un pilier de travail multisectoriel. 

    Aller plus loin

    Edit / juillet 2024 : A propos de l’image d’illustration de l’article

    L’image d’illustration a été générée par ChatGPT avec la consigne d’illustrer cet article (envoi du titre et du chapo), sans consigne supplémentaire. Cette image montre que la représentation du spectacle vivant dans les données d’apprentissage de ChatGPT fait appel à des images assez anciennes et universelles – d’autres diraient des clichés – de ce que sont les arts vivants. La référence au « rideau » dans le titre de l’article participe du même référentiel.

    Cette image nous rappelle l’importance de se former pour, si on souhaite utiliser les IA génératives, les adapter à nos besoins, à nos codes culturels, pour en obtenir une aide pertinente au travail et non pas une standardisation des productions.

    Rendez-vous lors de nos Cafés TMNlab dédiés à l’IA (en live ou en replay) et nos programmes de formation pour développer une approche située des IA génératives pour les institutions du spectacle vivant.

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