A travers la publication « La culture face aux défis du numérique et de la crise » des chercheurs Olivier Alexandre, Yann Algan, Françoise Benhamou, le Conseil d’analyse économique explore l’impact de la transformation numérique sur le secteur culturel et ses impacts significatifs sur sa production, diffusion et consommation, accéléré par la pandémie de COVID-19. En effet, la crise récente a notamment accru la dépendance des consommateurs et des créateurs de culture aux plateformes numériques. Dans ce contexte, les auteurs examinent les opportunités, les risques et plus spécifiquement les implications de ces transformations pour les acteurs et consommateurs de la culture.
Alors que le numérique se généralise de manière exponentielle et s’immisce dans le quotidien des publics, les auteurs concluent à une nécessaire adaptation du secteur culturel afin de continuer à répondre aux besoins de la population. Toutefois, cette transformation ne peut être envisagée sans considérer les enjeux et les défis qui y sont liés, notamment en matière de protection de la vie privée et de sécurité des données. Mais également en veillant, dans la transformation des services publics, à une accessibilité équitable pour tous les citoyens.
Dans cette publication, les auteurs examinent les opportunités et les défis associés à cette nouvelle ouverture systémique du secteur culturel et appellent à une stratégie guidant cette évolution.
Le TMNlab a un rôle important à jouer dans ce contexte de recherche, en proposant un réseau et des solutions novatrices pour répondre à ces défis, en expérimentant de nouvelles formes de création et de diffusion culturelles dans un contexte numérique, et en collaborant avec les acteurs du secteur pour construire un avenir culturel plus durable et inclusif. C’est à la fédération et à la mise en communs des pistes de réflexion que notre association invite en saisissant les opportunités offertes par le numérique afin de renforcer la place de la culture dans notre société.
Nous vous proposons ci-dessous :
- la présentation résumé du Conseil d’analyse économique (2022)
- une fiche de lecture
- la publication complète (2022)
Synthèse
Résumé du TMNlab
I/ Comment la crise sanitaire aide-t-elle le secteur culturel à appréhender les défis et avantages liés à la révolution numérique ?
Le premier constat de l’article met en évidence que le développement des technologies de l’information et de la communication a considérablement modifié les attentes des citoyens en matière de culture artistique : ces derniers ont désormais accès à des services numériques dans de nombreux aspects de leur vie quotidienne, ce qui a changé leur perception de ce qui est acceptable en termes de qualité et de rapidité de service. Les citoyens attendent donc une accessibilité facilitée, une transparence accrue et une réactivité améliorée de la part des administrations du secteur. Aussi, l’article alerte également le secteur culturel en lui transmettant la nécessité de répondre à ces attentes nouvelles afin de ne pas courir le risque de faire baisser la confiance en les institutions publiques françaises. De plus, ce premier constat souligne que le numérique représente un moyen pour les organisations culturelles de réaliser des économies d’échelle en optimisant leurs processus et en automatisant certaines tâches. Les auteurs mettent donc en évidence que la transformation numérique du secteur culturel peut offrir des opportunités pour améliorer l’efficacité et la qualité des services fournis tout en réduisant les coûts.
“L’importance de l’économie de la culture et le signe de son évolution sont donc mal estimés si l’on s’en tient aux mesures existantes du PIB. La libre consultation en bibliothèques, l’information en ligne, l’accès à une offre patrimoniale constamment enrichie sans surcoût, le succès des offres de partage d’abonnement d’un même service entre plusieurs personnes (pour les offres de VoD de 2 à 6) appellent à envisager l’économie de la culture au-delà des modes de comptabilité classiques, d’autant plus que la culture joue un rôle important dans le bien-être des individus, dimension non prise en compte dans les mesures usuelles de sa contribution à la richesse nationale.”
La partie « Culture, Bien être et territoires » de l’article aborde la question de l’impact du numérique sur la culture, le bien-être et les territoires. D’une part, l’article souligne que le numérique peut avoir un effet positif sur la culture, en facilitant l’accès à une offre culturelle plus hétéroclite et en permettant une plus grande participation des citoyens à la vie culturelle. Les plateformes en ligne, les réseaux sociaux et les applications mobiles peuvent offrir de nouvelles opportunités pour découvrir, partager et interagir autour de la culture (cf. Article Troisième Scène de l’Opéra de Paris). D’autre part, les auteurs alertent sur effets négatifs de la culture du numérique, notamment en contribuant à la concentration des acteurs du marché culturel autour de grandes plateformes internationales, ce qui peut conduire à une uniformisation de l’offre.
En ce qui concerne le bien-être des populations, les auteurs abordent la question de l’impact du numérique sur les territoires et soulignent que le numérique peut avoir un effet positif en réduisant la fracture territoriale, en offrant des services culturels, artistiques à distance et en facilitant la communication et la collaboration entre les différents acteurs locaux. Cependant, ces derniers mettent également en garde contre les risques de concentration des acteurs du numérique dans les grandes villes, ce qui peut contribuer à la marginalisation des territoires ruraux.
Mais le secteur culturel français s’est également trouvé fragilisé et fragmenté du fait de la crise sanitaire, ce qui a rendu difficile la mise en place de politiques publiques cohérentes et adaptées. L’article suggère donc de renforcer la résilience du secteur en développant des mécanismes de soutien financier et de protection sociale pour les travailleurs précaires, ainsi qu’en renforçant la coordination et la coopération entre les différents acteurs du secteur.
“Dans un travail exploitant des données bancaires originales et permettant l’analyse de la situation financière des entreprises entre novembre 2019 et novembre 2021, Fize et al. (2022) montrent que les TPE du secteur culturel ont davantage été affectées que les TPE du reste de l’économie. Le nombre de TPE en situation de fragilité a été multiplié par deux quand celui-ci est resté stable dans le reste de l’économie (voir graphique 3), alors même que les TPE culturelles ont eu un taux de recours au PGE (prêts garantis par l’État) quasi identique à celui du reste de l’économie, aux alentours de 31 % (très inférieur à celui observé chez les TPE de l’hébergement restauration : 49 %)”
L’article examine également les effets de la numérisation sur la culture et les industries culturelles en commençant par souligner que cette dernière a profondément transformé les industries culturelles en offrant de nouveaux modes de diffusion, de distribution et de création de contenus. Cependant, la numérisation présente des défis pour les industries culturelles et créatives. La concurrence entre contenus est plus forte car les utilisateurs peuvent désormais accéder à une offre plus large et souvent gratuite de contenus. Les industries culturelles sont donc confrontées à la nécessité de repenser leurs modèles économiques pour s’adapter à cette nouvelle réalité.
“Le numérique peut constituer un moyen de repousser les murs de la salle et de conserver la trace des œuvres dans une visée patrimoniale et d’accès élargi à la culture (…), mais la question de la visibilité reste cruciale.”
II/ Quelles sont les perspectives d’avenir pour le secteur culturel ?
Au cœur de la pandémie de COVID-19, la numérisation a offert une solution partielle en permettant la diffusion en ligne de certaines productions culturelles, mais a également mis en évidence les limites de l’offre culturelle en ligne et la nécessité de maintenir des espaces physiques dédiés à la culture.
L’article souligne également que les politiques culturelles doivent s’adapter à la numérisation et à la pandémie. Les politiques culturelles doivent donc prendre en compte les nouvelles formes de production, de diffusion et de consommation de la culture induites par la numérisation. Elles doivent également soutenir les secteurs culturels les plus touchés par la pandémie en offrant des aides financières et en encourageant la création de nouveaux modèles économiques adaptés à la nouvelle réalité.
Les auteurs proposent donc plusieurs recommandations afin d’aider les acteurs culturels à développer une stratégie numérique efficace pour la culture.
Dans un premier temps, ces derniers évoquent la préconisation « Territoire de la culture » consistant à encourager la culture dans les territoires locaux et régionaux. Cette approche implique de mettre en place une politique culturelle de proximité en soutenant les initiatives locales et en favorisant la participation active des citoyens à la vie culturelle de leur territoire. Elle suppose également une coopération étroite entre les différents acteurs culturels locaux, tels que les collectivités territoriales, les associations culturelles, les artistes et les professionnels de la culture, pour favoriser l’émergence d’une offre culturelle riche et diversifiée. Cette orientation répondant aux enjeux de la culture à l’ère numérique favorise une approche de la culture ancrée dans les territoires locaux et en prenant en compte les spécificités culturelles et les besoins des communautés locales. Elle permet également de renforcer la participation citoyenne et l’accès à la culture pour tous.
“Recommandation 1. Rééquilibrer les soutiens publics à la culture sur le territoire, accompagner la sortie du PGE pour les entreprises les plus fragiles et poursuivre le soutien aux associations culturelles”
L’article souligne également que les acteurs culturels doivent désormais considérer le numérique comme une opportunité plutôt qu’une menace. Pour ce faire, les auteurs proposent plusieurs pistes de réflexion et d’actions. Dans un premier temps, ils encouragent les acteurs culturels à se doter d’une véritable stratégie numérique qui prendrait en compte les spécificités de chaque secteur culturel et les particularités de chaque œuvre ou projet. Ensuite, ils soulignent l’importance de l’ « open data » et de la mise à disposition des données culturelles pour favoriser l’innovation et le développement de nouveaux services en ligne.
“Recommandation 3. Déployer une véritable stratégie numérique pour la culture suivant trois axes : l’interopérabilité des données, la mutualisation des services culturels innovants et la mise en place d’un incubateur unique rassemblant les projets à dimension culturelle.
(…)
Recommandation 4. Créer une autorité de médiation pour assurer la mise en conformité des contrats avec le droit français et mettre en place une commission visant à promouvoir les bonnes pratiques en matière de transparence des données.”
Les auteurs recommandent également de renforcer la coopération entre les acteurs culturels et les acteurs du numérique afin de créer de nouvelles synergies et de développer des projets innovants. Enfin, l’importance de repenser les modèles économiques des acteurs culturels en intégrant davantage le numérique est mise en avant, encourageant les acteurs culturels à diversifier leurs sources de financement en développant des produits dérivés, en créant des communautés en ligne ou en proposant des services numériques complémentaires.
En analysant cette partie de l’article, nous pouvons constater que les auteurs soulignent l’importance d’une réflexion stratégique globale qui prenne en compte les spécificités de chaque secteur culturel et les particularités de chaque projet ou œuvre.
“Recommandation 2. Consacrer une partie des investissements de France 2030 au financement de formations initiales et continues au numérique, afin de placer la relation entre création et numérique au cœur des stratégies des acteurs culturels ; assurer la modernisation des équipements matériels et logiciels des administrations culturelles.
(…)
Recommandation 5. Centrer le pass culture sur l’apprentissage par la pratique et l’offre culturelle territoriale.«