En tant que réalisateur, producteur et chercheur français, Benoît Labourdette nous apporte son expertise au sujet du numérique en s’intéressant notamment aux implications sociales, culturelles et politiques des technologies numériques. Il est connu pour son point de vue selon lequel le numérique serait un déterminisme social impliquant des externalités anthropologico-sociales non neutres. En d’autres termes, ce phénomène aurait un impact profond sur la façon dont la société vit, pense, interagit et réorganise son système de valeurs et de normes culturelles. Le chercheur s’est donc saisi de cette opportunité afin de nourrir le système culturel auquel il appartient :
« Ma démarche est autant culturelle, artistique, démocratique que réflexive,
imprimant une pluridisciplinarité à mes activités, qu’elles soient personnelles ou collectives. (…) Je me saisis des innovations techniques pour les questionner, les détourner, dans le cadre de projets artistiques propres et de projets collectifs, de projets de recherche, et d’événements culturels publics, créatifs et ludiques, des festivals notamment. »
Selon Benoît Labourdette, la société est marquée par un phénomène d’« hyper -connexion » au numérique qui transforme profondément les modes de communication, de création, et de consommation culturelle. L’auteur insiste plus spécifiquement sur le rôle central des écrans dans cette société, qui modifient notre rapport au temps, à l’espace, à la mémoire et met en évidence les paradoxes contenus en puissance au sein de nos sociétés du numérique, favorisant à la fois l’individualisme et l’interconnexion, la surveillance et l’ouverture, la création et la consommation.
« Nous sommes dans une société des mots, et dans une société des images. Les citoyens sont devenus producteurs et diffuseurs de leurs images, en plus d’être des spectateurs. Les images et leurs circulations modifient en profondeur la dimension psychosociale de nos vies. Ainsi, dans les champs de la culture, du social ou de la psychologie, que ce soit en tant que médiateurs ou en tant qu’artistes, nous nous devons à mon sens de travailler avec les images, de faire travailler les images par les publics, de reconstruire ensemble un esprit critique contemporain »
Nonobstant, selon Benoît Labourdette, le numérique imposerait plus son usage que l’invitation au débat car il occupe une place omniprésente dans nos vies quotidiennes. En nous proposant une vision pragmatique de la réalité, l’auteur nous invite à considérer ce dernier comme un support-outil faisant partie intégrante de notre culture et nous invite à garder le pouvoir sur les impacts de nos actions au sein de la société par l’intermédiaire de son usage et de son appropriation.
« Le numérique ne constitue pas un sujet (…) qui mériterait qu’on se positionne «pour» ou «contre». C’est en réalité un milieu d’existence, au même titre que le sont la nature, l’air, les frontières, l’économie, l’éducation… Le numérique est à prendre en compte comme modifiant les conditions mêmes de la vie. »
Bien qu’à première vue, le ménage numérique/art semble inspirer une certaine crainte relative aux limites artistiques de cette rencontre, Benoît Labourdette pense que les intérêts artistiques de l’image sont parfaitement compatibles avec le numérique, car cette technologie permettrait de repousser les limites créatives de l’audiovisuel ou de la peinture traditionnels et d’explorer de nouvelles formes d’expression en offrant des possibilités d’édition, de montage et de manipulation des images exponentielles. Cela permet aux artistes de créer des images qui ne sont pas simplement des représentations du réel, mais qui sont des créations artistiques à partager à souhait au sein du web…
« La photographie, de par la nature mécanique de son fonctionnement technique, est pour moi une matière de temps de vie, temps de vision, temps de poésie ; La peinture est la matière originelle du travail plastique, qui se relie intimement à la photographie (…) car elle contient aussi le temps de son geste et de son imaginaire (…). »
Le numérique nous amène également à repenser les problématiques et opportunités traditionnelles des industries culturelles et créatives. En effet, le jeune public a tendance à être plus exigeant et critique envers l’offre culturelle qui lui est proposée. Benoît Labourdette met en évidence que les jeunes ne veulent pas simplement consommer des produits culturels, mais cherchent plutôt des expériences authentiques et pertinentes qui reflètent leur réalité et leur point de vue. De plus, selon le chercheur, désormais, les jeunes sont conscients des enjeux sociétaux et environnementaux et ils cherchent à s’engager dans des projets qui ont un impact positif sur le monde. Ils sont donc plus enclins à participer à des projets culturels qui ont une dimension sociale, politique ou environnementale auxquels le numérique peut s’intégrer.
« L’offre culturelle est parfois questionnée de façon brutale par le public « jeune ». Une remise en cause qui se manifeste notamment par une indifférence vis-à-vis des prescriptions des institutions culturelles (…). Pour se mettre en capacité de repenser des projets adaptés aux besoins réels de la jeunesse contemporaine, ce qui relève de la mission des politiques culturelles, il convient à mon sens tout d’abord de déconstruire nos idées reçues, les jugements que l’on peut avoir sans connaître. Il s’agit de prendre la mesure des nouvelles représentations du monde et des nouvelles pratiques culturelles étroitement liées au numérique. »
- Comment le secteur culturel peut se saisir du numérique dans sa profondeur, en termes de médiation et de construction patrimoniale ?
- Qui est artiste, à l’heure de la démocratisation des outils de création et surtout de diffusion ?
- Quelle est la nouvelle place de la création artistique, dans la dialectique entre démocratie culturelle / droits culturels et outils / réseaux numériques ?
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Café TMNlab avec Benoît Labourdette
Benoît Labourdette sera l’invité du prochaine Café TMNlab, ce jeudi 9 mars 2023 de 9h à 10h pour échanger à propos des enjeux de médiation en lien avec la jeunesse dans un contexte transformé par le numérique. Pour participer à cette rencontre