Métavers : les 10 propositions d’un rapport exploratoire

Tandis que les espaces, les identités et les modes d’organisation virtuels se développent, les usages, les enjeux et les technologies évoluent. L’engouement récent pour le Métavers – principalement porté dans la sphère grand public par Méta (Facebook) – a entrainé une brusque concentration des projets et des financements sur ce sujet, jusqu’au Ministère de la culture. Source d’intérêt autant que d’inquiétudes de nombreuses parties prenantes, le sujet a fait l’objet d’un rapport exploratoire commandité par le Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, la Ministre de la Culture ainsi que le Secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques.

Pour aborder, une nouvelle fois, ce sujet, nous vous proposons d’une part cette vidéo de Dominique Boullier qui replace le Métavers dans une histoire du développement numérique et questionne sa régulation et ses opportunités. Puis nous relayons le rapport, fruit de cette mission exploratoire portée par Camille François, chercheuse à Columbia University, Adrien Basdevant, avocat au Barreau de Paris, et Rémi Ronfard, chercheur à Inria. Notons que Rémi Ronfard est spécialiste des questions de numérique et arts vivants à travers ses travaux de recherches et la Journée d’informatique théâtrale qu’il organise chaque année.

Le métavers, de quoi parle-t-on ?

Dans cet épisode de FOCUS, la série de vidéos qui propose à des membres de la faculté permanente ou du corps enseignant de Sciences Po d’aborder leur domaine d’expertise sous un angle inattendu, Dominique Boullier, chercheur au Centre d’études européennes et de politique comparée (CEE), présente le métavers et ses conséquences pour l’avenir des réseaux sociaux.

En évoquant les métavers existants, Dominique Boullier expose les nouvelles ambitions du projet de Mark Zuckerberg. Il ne s’agit plus de proposer un divertissement, mais d’exploiter une expérience immersive comme un outil de marketing. Un instrument d’autant plus puissant qu’il captera l’ensemble de nos activités et s’appuiera sur un système d’exploitation « propriétaire » qui deviendra un passage obligé. Enfin, cette entreprise pose la question fondamentale de sa régulation : on le voit aujourd’hui à travers les réseaux sociaux dont les dérives ne sont pas maîtrisées, surtout pas par Meta. Dominique Boullier approfondi sa posture critique sur AOC.media (lire).

Les 10 propositions pour des métavers français et européen

Pour mieux appréhender et comprendre les métavers, le rapport Mission exploratoire sur les métavers fait un état des lieux, révélant les opportunités que présentent ces mondes parallèles mais également leurs dangers.

Pour établir ce rapport, quelques 80 personnalités du domaine ont été consultées. Ainsi, c’est sur un panel étendu d’experts que la mission métavers s’est penchée : entrepreneurs de la réalité virtuelle et de la blockchain, acteurs culturels, artistes, professionnels du jeu vidéo, chercheurs en sciences sociales, en intelligence artificielle et en informatique. Cette étude a permis de mettre à jour une série de recommandations pour définir une politique des métavers en France et en Europe.

  1. Rassembler les acteurs français des métavers autour de projets concrets et proposer des actions de grande visibilité autour d’expériences immersives pouvant être partagées avant, pendant et après les Jeux olympiques et paralympiques (entraînement/compétitions, transport/tourisme, coulisses/échanges avec les athlètes).
  2. Faire en sorte que les acteurs français des secteurs et de la recherche numériques réintègrent les instances de négociation des standards techniques pour participer activement aux discussions sur les capacités de communication des technologies de l’immersion.
  3. Encourager la création de services communs permettant l’installation d’une pluralité de métavers interopérables.
  4. Développer une analyse rigoureuse des différentes chaînes de valeur des métavers afin de guider les domaines d’investissement stratégiques et les risques de perte de souveraineté ou de fuite de valeur.
  5. Mettre en place des commandes publiques répondant aux objectifs de souveraineté culturelle et de souveraineté technologique et ainsi favoriser les échanges entre les structures françaises technologiques et institutions culturelles.
  6. Engager un travail d’adaptation du RGPD, du DSA et du DMA, aux enjeux du métavers.
  7. Investir dans les outils et les techniques d’analyse des métavers dans le but de détecter les infractions et percevoir l’impôt.
  8. Investir dans des initiatives de recherche interdisciplinaire (informatique, neurosciences et sciences sociales) de grande ampleur et à long terme, utilisant les dispositifs existants (France 2030, PIA 4, PEPR, ANR) : développer des métavers expérimentaux guidés par des besoins sociétaux (culture, santé, éducation) et les moyens d’en évaluer les risques sociotechniques par des études empiriques.
  9. Créer un institut de recherche et coordination, basé sur un principe de laboratoire de recherche en informatique dédié aux arts immersifs, de lieu de coordination entre chercheurs et artistes pour la création d’oeuvres immersives innovantes dans les métavers et de comptoir d’expertise pour toutes les institutions culturelles concernées.
  10. Explorer des solutions écoresponsables et développer un système de mesure de l’impact environnemental des infrastructures du Métavers.

Au TMNlab nous nous interrogeons sur la capacité à réguler de tels outils, notamment pour éviter une nouvelle étape de massification des usages et de renouvellement des équipements, délétère d’un point de vue écologique et risqué d’un point de vue sociétal. La culture est le plus gros producteurs d’usages numériques massifiés – déjà avec le jeux vidéos, le streaming vidéo et musical. Quel numérique culturel offrira ces espaces virtuels ? Quel démocratisation d’accès quand 17% des habitants sont frappés d’illectronisme et que ces pratiques créent de nouvelles fractures en terme d’équipement ? Quels espaces, quelle liberté de création, et pour qui, quand déjà, dans le web que nous connaissons, la découvrabilité de la création française n’est pas structurée et que les moyens pour la création en environnement numérique sont très hétérogènes ?