Alors que nous étudions l’impact de la transformation numérique sur les usages des publics et sur les relations qu’ils et elles tissent aux œuvres et aux lieux, il est intéressant de remonter les évolutions de la perception des publics à travers cette publication de la chercheuse Cindy Lebat pour L’école de la médiation et Metis Lab. Elle s’intéresse particulièrement au champ muséal mais ses références et observations concernent également les autres typologies de lieux culturels.
Il est intéressant de noté que, lorsqu’en 2004, Martine Azam écrit « Être public, ce n’est pas seulement être physiquement présent, c’est être présent à l’œuvre. (…) Plus personne n’est à l’abri de l’art », cela vient confirmer une approche que défend le TMNlab : renforcée par le numérique, la désintermédiation de l’accès à la culture, qui se fait en dehors des institutions culturelles comme sur Internet, est profonde et interroge la fonction des institutions culturelles, leur rapport à leur territoire et aux publics, présents et en ligne.
Cindy Lebat s’intéresse aux travaux de Brigitte Chapelain (« La participation est une composante essentielle des nouvelles modalités collectives »), Nathalie Gerber et Pauline Thévenot (« Les usages d’Internet fondés sur les pratiques contributives ont brouillé la division entre producteurs et consommateurs de contenu ») et publie en annexe une interview d’Olivier Thévenin (« L’éclectisme et l’hybridation croissants des univers culturels qui dépendent aussi de l’identité des individus et des rapports diversifiés à la culture, aux médias et aux industries de contenus ») dont nous partageons un extrait éclairant :
Plus récemment, la recherche académique sur les publics de la culture centre également ses problématiques non seulement à partir de la sociologie de la domination et de la reproduction, mais également avec des théories dispositionnalistes des individus, du travail créateur, des attachements et de l’acteur réseau. Un autre changement profond se dessine aussi avec l’étude des traces numériques (je pense notamment aux travaux de Dominique Boullier et de Dominique Cardon). Il s’agit là d’une transformation qui bouleverse les protocoles d’enquêtes et la production de connaissances à partir des données du numérique qui ne sont plus principalement celles des instituts et des chercheurs, mais aussi celles des grands groupes de l’économie du numérique qui utilisent des algorithmes pour constituer des corrélations prédictives à des fins mercantiles. Dominique Cardon montre très bien en quoi « les écosystèmes numériques déplacent le centre de gravité des sociétés vers les individus connectés et vers les acteurs qui contrôlent les plateformes assurant la mise en réseaux ». Ces changements nourrissent ainsi de nouveaux questionnements sur le devenir de la place de la culture dans nos sociétés et donc incidemment sur les formes de sociabilité – notamment numérique – et les logiques d’individuation dans un régime d’abondance culturelle. »
Olivier Thévenin in La Notion de « public » dans la culture par Cindy Lebat
Photo d’illustration de l’article : The Public Theater stage by David Shankbone / Wikimedia Commons