« Si l’intelligence artificielle suscite encore des craintes souvent exagérées, elle connaît des avancées technologiques spectaculaires, permettant d’assister l’humain dans des tâches impossibles à réaliser jusque-là. En appui des administrations, son utilisation pourrait améliorer concrètement la qualité du service public rendu aux citoyens. »
Le Conseil d’État publie une étude – à retrouver en bas de cet article – qui plaide pour la conduite d’une stratégie de l’IA résolument ambitieuse et au service de la performance publique. Une stratégie qui, comme le recommande le Conseil d’État, devra créer les conditions de la confiance et doter la France des ressources et de la gouvernance à la hauteur de ses ambitions.
En septembre 2022, une polémique éclate après qu’une œuvre créée par une intelligence artificielle ait remporté un concours d’art. L’intelligence artificielle va-t-elle remplacer les créateurs ? Ou plutôt qu’y voir une menace, ne peut-on pas envisager les applications au service d’une démocratie culturelle ? En réalité, l’intelligence artificielle (IA) a, depuis quelques années, investi tous les secteurs de la culture.
Etat des lieux des enjeux juridiques et économiques de l’IA dans les secteurs de la création culturelle
En 2020, la mission présidée par les professeures Alexandra Bensamoun et Joëlle Farchy dressait un état des lieux des enjeux juridiques et économiques de l’IA dans le domaine, dans une stratégie européenne.
D’un point de vue juridique, l’intervention de l’IA à des fins créatives soulève de nombreuses questions concernant le droit d’auteur, tant en amont (sur le statut des œuvres qui nourrissent l’IA) qu’en aval (sur la qualification de la réalisation algorithmique et sur le régime juridique pertinent). En amont, le rapport développe le sujet de la mise en œuvre des exceptions au monopole et envisage la pertinence des exceptions sur la « fouille de textes et de données », issues de la directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique. En aval, le rapport fait état des diverses solutions juridiques avancées. Il considère que le droit positif, dans une lecture renouvelée des critères, est prompt à recevoir les réalisations culturelles de l’IA et que, si la pratique faisait apparaître des besoins, un droit spécial pourrait permettre une protection ajustée.
D’un point de vue économique, grâce aux données mobilisées, des applications concrètes de plus en plus nombreuses apparaissent tout au long de la chaîne de valeur, tant au stade de la création, qu’à celui de la consommation pour recommander des contenus aux internautes, en passant par celui de la production afin de prendre les décisions d’investissement adaptées et d’appuyer, voire de remplacer, les habituelles intuitions et expertises humaines. Dans la mesure où la quantité et la qualité des données mobilisables pour alimenter le développement de l’IA devient un facteur de compétitivité, le partage et la circulation des données posent des questions spécifiques. Au-delà de l’enjeu de transparence pour une juste répartition des revenus, au profit des ayants droit, ce sont, en réalité, tous les équilibres au sein de la filière qui s’avèrent susceptibles d’être remis en cause.
Le rapport complet et ses annexes sont disponibles sur le site du Ministère de la Culture.
Quel impact sur la diversité des expressions culturelles ?
En 2020 également, nous partagions les travaux du Réseau francophone de l’innovation (Finnov) : un guide intitulé « L’intelligence artificielle dans l’art et les industries culturelles et créatives : Panorama des technologies, expertises et bonnes pratiques dans l’espace francophone ».
Relire l’article dédié : L’intelligence artificielle dans l’art et les industries culturelles et créatives : Panorama des technologies, expertises et bonnes pratiques dans l’espace francophone
Il est intéressant également de relire le rapport de l’UNESCO « Réflexion sur les impacts de l’Intelligence artificielle sur la diversité des expressions culturelles » paru en 2018. La Convention | Diversité des expressions culturelles – UNESCO (CDEC) a mené une première réflexion sur l’intelligence artificielle (IA) afin que les discussions concernant son développement et ses applications intègrent mieux les enjeux culturels en général, et ceux de la diversité des expressions culturelles en particulier.
Le 25 septembre 2018, des représentants et collaborateurs de la CDEC se sont réunis avec l’équipe de la Déclaration de Montréal afin de réfléchir à l’interaction entre l’intelligence artificielle et la diversité des expressions culturelles. Des recherches complémentaires et des rétroactions offertes par des membres ou alliés de la CDEC, notamment à l’occasion du 20 anniversaire de la CDEC le 25 octobre 2018, ont complété la réflexion.
L’objectif de la CDEC est d’identifier les défis soulevés par l’intelligence artificielle et les opportunités qu’elle suscite pour la diversité des expressions culturelles, proposer des principes éthiques pour encadrer le développement de l’IA en matière culturelle et effectuer des recommandations afin de concrétiser la mise en œuvre de ces principes.
Construire une confiance en l’IA : quelle gouvernance en France ?
Les avancées récentes dans le domaine de l’intelligence artificielle ont abouti à des réalisations spectaculaires (reconnaissance de personnes sur des images, création automatique de contenus, analyse sémantique, etc.) et dans le même temps exacerbé des craintes (asservissement de l’humain par la machine, manipulation des comportements, surveillance de masse, etc.). L’intelligence artificielle est pourtant, d’abord et avant tout, un ensemble d’outils numériques au service de l’humain. En permettant notamment la résolution rapide de problèmes grâce à un apprentissage automatique, elle offre une opportunité unique pour améliorer la qualité du service public.
Ce rapport repose les fondamentaux de ce qu’est l’IA, de son histoire, de ses fantasmes. Et préconise l’anticipation de la mise en place d’un cadre réglementaire, notamment au niveau européen, à travers la mise en œuvre, dès aujourd’hui, de lignes directrices pragmatiques permettant un déploiement de l’intelligence artificielle dans les services publics par étape, lucide et vigilant, au plus près des besoins des Français.
Une intelligence artificielle publique de confiance reposant sur sept principes :
- la primauté humaine,
- la performance,
- l’équité et la non-discrimination,
- la transparence,
- la sûreté (cybersécurité),
- la soutenabilité environnementale
- l’autonomie stratégique.
L’intelligence artificielle, au service d’une mémoire collective ?
Nous quittons à nouveau la France : le mardi 11 juin 2019, la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) réunissait des experts renommés des domaines de l’intelligence artificielle et de la culture au Forum économique international des Amériques – Conférence de Montréal, animé par Jean-Louis Roy, pdg de BAnQ.
Certaines parties de cette conférence sont en anglais.
Participants :
- Jade Leung, responsable de la recherche et des partenariats, Centre pour la gouvernance en intelligence artificielle, Oxford University;
- Marc-Antoine Dilhac, professeur agrégé au Département de philosophie et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éthique publique et théorie politique, Université de Montréal, instigateur du projet de Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle en 2017;
- Véronique Guèvremont, professeure titulaire à la Faculté de droit et titulaire de la Chaire UNESCO sur la diversité des expressions culturelles, Université Laval;
- Hughes Sweeney, producteur exécutif du studio interactif, Office national du film du Canada;
- Éric Marcoux, vice-président, architecture et innovations TI, La Capitale groupe financier.