La scène conventionnée de Cognac a lancé son projet de LivingLab en janvier 2016, un lieu, ancré dans son territoire, qui privilégie le collectif, pour penser la culture et créer autrement. Interview de son directeur, Stéphane Jouan.
Par Rossana Di Vincenzo
Qu’est-ce que l’AVANTSCENELAB et quel bilan vous en tirez aujourd’hui ?
C’est un projet qui découle de l’expérience de création menée par Philippe Boisnard avec des lycéens des villes de Cognac et d’Angoulême, qui s’est étalé jusqu’en septembre 2015. Nous nous sommes rendus compte que le numérique permet de partager des outils, d’innover, de parler du théâtre autrement… pour aller plus loin, nous avons voulu créer ce que nous avons appelé un « LivingLab ». Mais pour l’instant nous n’avons pas encore assez de recul pour véritablement tirer des conclusions sur ce projet. Le projet du Living Lab a été mis en place en janvier 2016, c’est encore un peu tôt. Nous avons réuni des personnes d’horizons divers, toutes sensibles aux enjeux du numérique. Il faut imaginer cela comme une troisième scène. Durant six mois à raison d’une fois toutes les trois semaines, nous avons organisé des temps d’échange menés par le Collectif Hors Normes. Un outil en opensource a été produit, il se présente sous la forme d’une timeline qui propose aux artistes en création, un dispositif pour agréger les ressources et les partager sur le web. Il est alimenté par les artistes eux-mêmes et les informations seront accessibles au public.
Parallèlement, nous créons trois dispositifs, le FabLab (laboratoire de fabrication numérique), la résidence d’artistes et de coworking (espace de travail partagé) et le pôle de recherches universitaires.
Il s’agit donc d’un Tiers-Lieu ?
Oui et ce « Tiers-lieu » se structurera avec ses trois pôles. Pour concrétiser tout cela nous avons obtenu l’aide financière de la Région (150 000 euros récoltés à ce jour), car il faut trouver un lieu physique, un domicile autre que le théâtre, qui n’ouvrira que vers la fin 2017. Cela implique un rapport différent à la culture, pour repenser ce qui nous lie au public. En attendant, nous accueillons des événements qui préfigurent l’ouverture de ce « Tiers-lieu » à l’Avant-Scène. Ça demande beaucoup de temps de convaincre les édiles et une équipe de s’approprier ce projet. Ça pose inévitablement la question de « comment on s’empare d’un tel projet qui est en cours d’élaboration. Il faut du temps, expliquer, formaliser des choses qui devraient être très intuitives.
Quel est pour vous l’objectif réel d’un tel projet ?
Le fondement de ce projet c’est avant tout de redonner à la culture son rôle social. Il y a aussi cette idée, qui n’a pas d’équivalent en français, « d’Empowerment » anglais (autonomisation, émancipation, prendre pleinement conscience de son pouvoir et de sa force) qui est très importante. Comment redonner un rôle d’acteur voire de « maker » (au sens de fabriquer, créer) au spectateur ? C’est selon moi le retour du public prescripteur. Il faut partager la ressource et la connaissance, c’est une réalité de terrain et de territoire, pour cela il est nécessaire de déplacer certaines choses, ce qui n’est pas toujours facile.
Quelles activités avez-vous mises en place jusqu’ici ?
C’est un peu un empilement d’activités, tout arrive en même temps. Il faut mener de front, AVANTSCENELAB et la programmation régulière de l’Avant-Scène. Selon moi c’est aussi une nouvelle manière de faire de la programmation et des actions culturelles qui seront en lien avec le tiers-lieu. Ca peut changer beaucoup de choses la manière de faire est différente, plus décontractée, moins frontale. Concernant la timeline, elle est pour l’instant au stade de version « Beta », la véritable mise en place se fera à la fin du mois de novembre. C’est un logiciel qu’on a voulu en opensource, disponible à tous. Selon moi, il faudrait presque faire en sorte que l’utilisation de cet outil soit dans le cahier des charges des résidences artistiques.
Comment envisagez-vous la question du numérique dans les années à venir ?
Chez nous, la question du numérique, on l’aborde sur le plan des usages du public et sur un plan sociétal. C’est avant tout une porte d’entrée pour faire différemment notre métier, il y a cette idée de « déplacement nécessaire ». Notre métier est soumis à des transformations profondes, on ne peut pas s’en exonérer. Avec le numérique arrivent de nouvelles façons de faire. Fut un temps on pouvait encore dire qu’on était « pro » ou « anti » numérique, aujourd’hui c’est impossible, car on vit dans le numérique. Refuser le changement sur ces questions-là, c’est comme essayer de lutter contre l’apesanteur. Malgré tout, il y a toujours la possibilité de vivre avec son temps ou pas. Si on choisit de faire du numérique un enjeu sociétal c’est différent.