(note de TMNlab : même si ce compte rendu touche davantage les professionnels de la musique que ceux du théâtre, nous pensons que son contenu pourrait vous intéresser)
Le 10 juillet 2014 se sont tenues à Aix-en-Provence les Troisièmes rencontres nationales d’Accord Majeur (plateforme de coordination – musiques de patrimoine et de création) autour du thème « Vers de nouvelles audiences : la diffusion de la musique à l’heure du numérique ».
Vous trouverez ci-dessous un compte rendu de l’Atelier 4 / Le numérique, un enjeu de croissance : quelles perspectives pour les créateurs, producteurs et diffuseurs ?
« Pour appréhender au mieux l’ère numérique, il faut en plus de la volonté de l’état, que les acteurs culturels puissent être force de conviction (auprès des partenaires privés et des politiques). » – Aurélie Filippetti
C’est en ces mots que la Ministre de Culture et de la Communication a conclu son discours d’introduction à cette journée sur le thème de la diffusion de la musique à l’heure du numérique, après avoir évoqué la nécessité de trouver des modèles pour ne pas courir le risque de destruction culturelle.
Alors que toutes les réponses ne sont pas encore trouvées, ce compte rendu est présenté sous formes de thèmes auxquels il convient de s’attacher pour envisager à l’avenir notre stratégie de diffusion. Il s’agit avant tout de clés pouvant nous aider à inventer notre propre modèle.
Le numérique c’est la combinaison des terminaux, des techniques et des contenus.
La révolution numérique a déjà eu lieu : avec 6,5 milliards de téléphones dans le monde, la communication est déjà une affaire de réseau… Reste à investir pleinement cet espace.
La place prépondérante de l’auditeur (en dehors de l’auditorium)
- Dans l’environnement Web2.0, le public est co-diffuseur des contenus qu’il a aimés, parfois même il devient un acteur. On parle alors de convergence irl/url : entendons un mix entre le réel et le virtuel.
- L’éditorialisation des contenus est indispensable dans le cadre de la diffusion de la musique dans le paysage culturel numérique et il semble indispensable de l’intégrer dès la création du concept : avant de mettre une œuvre en ligne, il conviendra d’envisager la façon de la référencer sur Internet (gratuit ? payant ? quel mot clés ?…) Il conviendra également de connaître les réseaux sur laquelle elle va « tourner » (facebook ? blog ?) et comment elle va être amorcée (un concours, un événement particulier) et les prescripteurs qui vont pouvoir en faire la promotion.
- Il faudra préalablement que soit désigné un animateur et un modérateur (pour filtrer les éventuels commentaires ou références illicites)
Le format de l’œuvre et sa circulation
Ce point est celui qui semble avoir été le plus expérimenté à ce jour, il existe donc de sérieuses pistes qui permettent d’élargir le public.
Les nouveaux modes d’utilisation montrent qu’il existe un usage sonore de l’image :
- Un internaute ouvre Youtube pour écouter le Concerto n°2 pour piano de Chopin par l’Orchestre national de Lille et dispose la fenêtre internet en second plan, de sorte qu’il ne voit pas l’image mais profite uniquement du son.
- Le direct est une valeur sûre pour l’audience.
- En différé, la durée idéale pour la musique classique semble être de 10 à 12 minutes (source Arte Concerts au travers des infos de leur propre site). Cela tendrait à dire que pour une exploitation « grand public » en replay il vaudrait mieux« découper » les œuvres, alors que des interprétations intégrales seraient plus destinées à des publics avertis (écoles, conservatoires, autres professionnels ou amateurs très avertis).
- On appelle bi-média le concept qui consiste à utiliser deux média, télévision et internet, comme support de diffusion. Ce mix permet de garantir une meilleure propagation de l’information sur l’existence de la diffusion. Il existe plusieurs formes de bi-média, comportant des chronologies différentes.
- Dans le cadre d’un bi média « direct sur TV + replay sur internet » : l’objectif sera de toucher d’abord un public régional ou national, et ensuite de s’adresser à un public international.
La problématique du remontage est prédominante dans le concept du bi-média. Il faut absolument considérer dès le départ du projet la diffusion du live et le différé comme un seul et unique évènement. Ainsi on communiquera sur les deux modes de diffusion, qui auront lieu dans des délais et une chronologie annoncée. Les diffusions se nourrissent ensuite mutuellement.
- L’intérêt d’utiliser une plateforme généraliste pour la diffusion (Youtube) est de pouvoir répondre à des problématiques de viralité (lecteur exportable sur d’autres sites) et d’intégrer son contenu dans des moteurs de recherches afin de le rendre disponible pour tous.
- Le concert Carmina Burana par l’Orchestre national de Llille est sur la chaîne Youtube de l’orchestre ; un lecteur est externalisé pour (re) diffusion sur le site de France 3.
Il est important sur ces plateformes généralistes de mettre en place un politique de forme : création de bibliothèque/playlists, uniformisation des titres, description en multi langue, tag sur les compositeurs, les artistes…
La problématique des droits
Il s’agit d’un élément indispensable pour l’orchestre s’il veut pouvoir investir sereinement le paysage culturel digital.
Le modèle économique
Comme le laissait entendre le mot d’introduction de la Ministre, il n’existe pas un modèle de diffusion, et encore moins un modèle économique.
Si les distributeurs de musique en ligne ont tenté de faire croire à une monétisation rentable de la diffusion des œuvres en téléchargement ou en streaming, cette configuration de vente sur internet ne pourrait pas s’appliquer à l’ensemble des enregistrements. Dès le début du projet, il faut donc définir l’usage de la captation, qui peut également être un support de communication (gratuit) et de diffusion de l’excellence des interprétationss de l’orchestre.
- Le bi-média permet d’envisager un concept tenable financièrement en termes de production (dès lors que le diffuseur TV participe au projet)
- L’exclusivité de diffusion n’existe plus (ou est largement remise en question) On retrouve très souvent dans le paysage des diffusions simultanées sur Mezzo, Arte et la BBC (par exemple)
- L’anticipation des captations (sur une saison) est un moyen de réaliser des économies d’échelle, en s’adressant, par exemple, au même réalisateur.
- La question du mécénat est incontournable, celle de la convergence avec l’industrie nécessaire (partenariat technique), celle de l’apport (en énergie, en réflexion) avec les étudiants largement envisageable…
- Les investissements doivent être réalisés avec une gouvernance adaptée.
L’enjeu de la formation
« On n’aime pas le numérique, on le pratique ; parfois avec excellence et virtuosité. »
La formation des collaborateurs administratifs et techniques, et des musiciens est indispensable à la compréhension et à la bonne marche d’un projet de diffusion dans le paysage culturel numérique.