[show_avatar email=3 user_link=bp_memberpage align = right show_name=true avatar_size=100] [show_avatar email=23 user_link=bp_memberpage align = right show_name=true avatar_size=100][show_avatar email=9 user_link=bp_memberpage align = right show_name=true avatar_size=100][show_avatar email=18 user_link=bp_memberpage align = right show_name=true avatar_size=100] Restitution du groupe de travail « Numérique, territoire et décloisonnement des théâtres » composé de Antoine Vieillard, Guillaume Pinçon, Marie Plassat et animé par Anne Le Gall lors de la première rencontre TMNlab organisée à Paris le mardi 4 février 2014.
Le numérique peut participer au décloisonnement du théâtre par rapport à son territoire (ses publics, ses partenaires locaux) et aux autres théâtres (favoriser des collaborations, faciliter la circulation des publics sur un territoire élargi). Le développement d’actions digitales étend l’espace théâtral hors de ses murs et permet de renforcer sa présence en réseau, de participer à son rayonnement.
Virtualisation de la représentation théâtrale
La captation et la diffusion audiovisuelle du spectacle vivant est une des rares questions liée au numérique qui soit depuis longtemps débattue dans les théâtres. Outre les considérations esthétiques (fidélité de la retranscription, qualité de la réalisation) et financières que cela pose, la première critique faite au théâtre en vidéo est la fin de l’expérience vivante du spectateur, née de la coprésence du public et des artistes.
L’intérêt de la captation, pour la préservation de la mémoire théâtrale et une diffusion plus larges des œuvres, est par ailleurs une question que l’on peut considérer comme du devoir des politiques. Ce travail pour la démocratisation culturelle et la sauvegarde de la création ne devrait-il pas être traité par des instances publiques ? Comme les projets de l’INA, la BNF, ou le Théâtre Virtuel évoqué par la Mairie de Paris il y a quelques années.
Néanmoins, la virtualisation de la représentation théâtrale peut aussi permettre de créer une communion des publics (réception isolée ou en groupe) et, dans une démarche de médiation, amener de nouveaux publics à passer la porte des théâtres. Sont évoqués les diffusions d’opéras au cinéma, les collaborations de La Colline avec feu Arte Live Web ou le projet Ursule 1.1 (Au web ce soir) proposé en 2010 par Benjamin Lazare au Théâtre de Cornouaille. Il faudrait solliciter les porteurs de ces projets pour comprendre leur stratégie globale, les objectifs de chaque projet et les résultats obtenus. A bon entendeur.
Idée : un projet de virtualisation ancré dans un territoire.
Imaginons alors un projet porté par un théâtre et directement ancré sur son territoire, dans une politique de formation de nouveaux publics. Pour une représentation donnée, le spectacle est diffusé en direct dans un lieu relais sur le territoire (centre social, MJC, médiathèque, antenne de quartier, café associatif, etc.), auprès de publics n’ayant pas forcément l’habitude de venir au théâtre. L’objectif est alors de recréer le partage de l’expérience, l’appartenance à un public, en l’accompagnant (diffusion en présence de membres de l’équipe du théâtre, du metteur en scène, etc.). Que le théâtre vienne au public pour l’amener dans un second temps vers les portes du théâtre. Le numérique permet d’imaginer des échanges en direct entre le théâtre et le lieu relais. Les publics des deux séances (in situ et diffusée) partageraient alors l’expérience théâtrale dans une même temporalité et pourraient à l’issue du spectacle participer, à distance, à une seule et même session d’échange avec l’équipe artistique.
Le financement de la diffusion en direct est important, s’il existe une captation du spectacle, le dispositif peut être envisagé sous la forme d’un faux direct. La partie « échange » a un coût technique négligeable mais nécessite de vraies compétences dans l’usage des médias sociaux et outils numériques (et du temps de travail) pour être bien préparée et menée.
Territoire, application et mobilité
La stratégie digitale des théâtres doit intégrer la question de la mobilité et l’exploiter en lien avec son territoire d’influence.
Le concept de mobilité est ici entendu en terme d’usages digitaux : on estime qu’à court terme le nombre d’internautes nomades (smartphone, tablette) aura dépassé celui des sédentaires. Cela réinvente le rapport des utilisateurs aux réseaux numériques (tailles des écrans, mode de consultation plus fugace, géolocalisation…) mais aussi le rapport des théâtres avec leurs spectateurs. Le smartphone est dans la sphère de l’intime, à proximité immédiate et souvent constante de son propriétaire, et lorsque le spectateur installe l’application du théâtre, il entre volontairement dans une relation proximale au théâtre, que celui-ci exploite peu…
En effet, aujourd’hui le bilan des applications smartphones des théâtres (iOS ou Android) est plutôt mitigé. Il s’agit le plus souvent d’une version mobile du site (et parfois la vraie version mobile accessible à tous n’existe pas). Elle apporte rarement un plus au spectateur. Or, l’état des lieux du marché des applications est le suivant : une application sur deux est désinstallée à peine chargée, nombreuses sont celles qui servent une fois puis sont oubliées. Nous n’avons pas, alors que nous rédigeons cette note, de chiffres de téléchargements ni de taux d’utilisation et de désinstallation des applications de théâtres – ainsi que des applications en général – mais gageons que le résultat serait peu engageant.
Deux concepts issus du marketing à étudier.
Brand utility : apporter un service au spectateur (utilitaire, ludique, etc.) pour créer une récurrence d’utilisation.
Brand content : apporter un contenu nouveau et exempt de visée directement promotionnelle (pédagogique, ludique, actualité, etc.) ce qui est valable par ailleurs en ce qui concerne toute stratégie de communication sur les réseaux sociaux.
Cartographie cross média du théâtre
Si le site officiel du théâtre a d’abord une fonction d’information et de vente, chaque plateforme ou réseau social peut étendre son champ d’action en répondant à des usages particuliers. Comment articuler ces différents espaces ? Quelle complémentarité entre ces derniers et le lieu physique du théâtre ? Chaque espace numérique, avec sa ligne éditoriale propre déclinée d’une politique de communication globale du théâtre, peut refléter une partie du lieu et/ou de son territoire (acquis ou prospect). On dévoile les coulisses et l’intime dans une page Facebook (l’exemple de l’Athénée ou de l’Avant Seine qui jouent beaucoup sur le facteur humain, sur leur équipe) ou un blog (le blog de l’Athénée) pour fidéliser le public. On diffuse la ligne artistique pour faire rayonner le projet et acquérir de nouveaux publics (la revue collaborative du Théâtre du Rond-Point, ventscontraires.net). On fédère une communauté, spectateurs déjà acquis et/ou de prospects (la communauté des auteurs de ventscontraires.net, les contributeurs du blog du Théâtre des Champs-Elysées…). Les projets et choix stratégiques sont nombreux.
L’ensemble de ces espaces numériques, avec l’espace physique du théâtre (salle, hall, lieu de vie) et ses territoires limitrophes (où évolue son public hors de ses murs), forment l’écosystème du lieu. Chaque espace est une porte ouverte sur un autre et constitue cette cartographie globale, digitale et terrain.
Une illustration de cette notion d’écosystème et d’interpénétration des univers web et terrain : la Traque au butin.
Ce jeu de chasse au trésor coordonné en juin 2013 par le Théâtre du Rond-Point (service communication et équipe éditoriale de la revue en ligne) invitait les internautes et spectateurs (affichages, tracts) à découvrir toutes les plate-formes digitales du Rond-Point, de la page Facebook du théâtre à la revue Ventscontraires.net en passant par la Web TV, mais aussi ses espaces de vie (librairie, restaurant)… A travers cette opération ludique de promotion de la nouvelle saison, l’internaute finissait par connaître et maîtriser tout l’écosystème web du théâtre, toute la cartographie digitale du lieu. Les gagnants ont reçu des lots allant de l’abonnement à des dîners ou des livres offerts par la librairie. Ainsi, le Rond-Point a virtuellement décloisonné l’espace architectural et géographiquement restreint qu’est le théâtre.
Rayonnement des actions sur le terrain
Le décloisonnement du lieu passe aussi par une volonté d’engager la conversation au-delà des murs du théâtre. Et le numérique offre des outils précieux pour rayonner.
Outre les idées évoquées au début de cet article, on cite encore un exemple du Théâtre du Rond-Point lors de son lancement de saison 2013/2014. Alors que la présentation avait lieu dans la salle pour un public majoritairement composé d’abonnés (donc public acquis), le service communication a coordonné un live cross-média : publication en temps réel sur Tumblr de contenus créés pour l’occasion, diffusion en streaming sur Dailymotion, conversation sur Twitter, relais ponctuel sur Facebook…
Nos publics n’étant pas particulièrement connectés, il faut cependant se méfier du mythe de la conversation digitale spontanée. Recruter des relais qui viennent assister à l’événement, y prendre part ou qui le suivent en ligne paraît plus avisé ! C’est pourquoi des twittos étaient invités à suivre l’événement dans la salle et à distance. La parole du théâtre sur Twitter n’était plus de raconter ce qui se passait (live-tweet traditionnel) mais bien de répondre et d’enrichir la conversation (contenus additionnels réservés aux internautes).
Si le live de spectacle est marginal, le théâtre peut aussi concevoir des opérations sur son territoire en y intégrant cette notion de direct. Pourquoi ne pas « théâtraliser » l’espace urbain (projections dans la rue, happenings, etc.) ou poursuivre son travail de médiation (rencontres artistiques, ateliers, etc.) en cherchant chaque fois à y donner une dimension plus grande grâce aux outils et relais numérique ?